Karene-Isabelle Jean-Baptiste est une photographe basée à Montréal qui s'intéresse à capturer des moments éphémères de magie.
photoED Magazine a parlé avec Karene-Isabelle de son travail.
Elle a été sélectionnée comme Femme de l'Année 2020 par Best Health Magazine pour son projet photo sur les femmes noires dans le secteur de la santé. En 2021, elle a reçu une subvention du journal La Presse pour la diversité en photojournalisme, et en 2022, elle a remporté un prix Nikon USA des Black Women Photographers.
photoED: Votre profession jusqu’à il y a peu de temps était l’ingénierie. Comment et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans la photographie à plein temps?
Karene-Isabelle:
Il y a parfois une synchronie dans les choses dont nous n’avons pas pleinement conscience. Pendant un certain temps j’avais constaté mon mécontentement en tant qu’ingénieur industriel, et l’idée de continuer dans ce métier jour après jour jusqu’à ma retraite me drainait mentalement. Début 2020, j’ai décidé de tenter ma chance en me lançant dans la photographie à plein temps. Lorsque la pandémie a éclaté cette année-là, il m’a soudainement paru urgent de créer un travail qui s'adresse au monde tel qu’il se déployait autour de moi. Ce sentiment d’urgence et mon besoin de documenter cette période exceptionnelle m’ont conduit à créer ma série "Black Women in the Time of the Pandemic". C’est ce projet qui a déclenché d’autres opportunités et a rendu possible mon passage à la photographie à plein temps.
photoED: Votre travail semble demander peu d’effort de part sa beauté simple et son utilisation envoûtante de la couleur. Que souhaitez-vous que les spectateurs sachent et comprennent sur tout le travail qui se déroule en coulisses pour créer une image?
Karene-Isabelle:
Mon travail est fortement inspiré par la peinture et le monde naturel. J’ai toujours été fascinée par le pouvoir de la couleur et sa capacité à nous faire ressentir des émotions profondes. Je souhaite que mon travail reflète cela. Je commence souvent avec une couleur spécifique en tête et je travaille à l’intégrer dans ma palette. Souvent je consulte avec un ami qui a un sens du design incroyable, et nous travaillons vraiment bien ensemble. Nous échangeons des idées et, d'une manière ou d'une autre, nous semblons toujours nous rencontrer exactement au bon endroit créativement. J’en suis très reconnaissante.
photoED: Qu’est-ce que vous aimez le plus dans la création d’histoires à travers la photographie?
Karene-Isabelle:
Je suis une lectrice avide et j’ai toujours été impressionnée par la capacité des écrivains à créer des mondes dans lesquels un lecteur peut s’immerger totalement. Je partage ce désir de créer un monde qui m’est propre. La photographie m’offre cette opportunité et j’en suis reconnaissante. J’aime guider les gens dans une histoire, une idée ou une communauté à laquelle ils n’auraient peut-être jamais pensé mais à laquelle ils ont maintenant accès à travers les images que j’ai créées.
photoED: Le travail de qui a influencé le vôtre?
Karene-Isabelle:
J’ai été influencée par de nombreuses personnes, mais il y en a trois qui se démarquent pour moi. Le premier est certainement Gordon Parks, que j’ai toujours vu comme un homme de la Renaissance. J’aime son utilisation de la couleur, la variété de ses projets (mode, cinéma, photojournalisme) et son point de vue distinct. J’adore le travail de Yousuf Karsh. Les portraits qu’il a créés sont iconiques et, dans de nombreux cas, les images définitives par lesquelles ses sujets sont connus. Je reviens souvent à son travail lorsque je cherche à créer mes propres portraits. Enfin, je suis une véritable fan de Malick Sidibé. Je me souviens d’avoir découvert sa Nuit de Noël dans un magazine un jour et je l’ai immédiatement découpée. Cela m’a conduit à rechercher son travail et à découvrir une liberté, une simplicité et une honnêteté qui m’influencent encore aujourd’hui.
photoED: Qu’est-ce qui rend une photo réussie?
Karene-Isabelle:
Une bonne photo est saisissante. Elle nous emmène dans un lieu qui semble familier tout en étant inattendu. Elle nous pousse à s’attarder, à nous interroger, à ressentir. Elle nous attire, malgré nous.
photoED: Comment votre travail en photographie vous a-t-il influencé personnellement?
Karene-Isabelle:
Mon travail en photographie m’a rendue beaucoup plus déterminée et prête à prendre des risques. Être photographe implique beaucoup de présentation de projets, de soumissions de travaux et d’approcher de personnes inconnues. Cela implique souvent beaucoup de rejets, et cela m’a amenée à comprendre et à accepter que le mot “non” fait partie du monde dans lequel j’évolue. Ce n’est pas un indicateur de la valeur de mon travail ou de moi-même en tant que personne. D’une certaine manière, la photographie m’a appris à faire les choses tout en ayant peur. Cela m’a également aidée dans d’autres domaines en dehors de mon travail.
photoED: Quel a été votre projet ou aventure préféré ou qui vous a le plus marqué personnellement?
Karene-Isabelle:
Mon travail sur les femmes noires dans le secteur de la santé est sans aucun doute mon projet préféré et le plus marquant. La réaction des sujets, de d’autres femmes travaillant également dans le domaine médical, et du grand public a été extrêmement positive. Je voulais placer les femmes noires dans le contexte de la pandémie et montrer comment elles ont contribué à la société canadienne pendant ce qui était indéniablement une période très difficile. Je voulais qu’elles soient vues. Il était également important pour moi de rompre avec le mythe de la femme noire puissante. Je voulais que les femmes soient perçues comme fortes, oui, mais aussi comme vulnérables et effrayées. Il était important de montrer leur humanité et de leur donner une voix dont elles se sentaient privées. Beaucoup ont pris contact pour dire que ce projet les avait enfin fait sentir vues.
photoED: Quel est votre projet de rêve? Où espérez-vous que la photographie vous mènera à l’avenir?
Karene-Isabelle:
Mon projet de rêve consiste à explorer le quartier de Montréal où je vis : Montréal-Nord. Je veux réaliser un travail pour contrer les stéréotypes négatifs existant sur la région et montrer ce que c’est vraiment de vivre ici et la beauté qui s’y trouve. C’est un quartier populaire où les gens travaillent dur, mais sa mauvaise réputation est injustifiée. Je voudrais réaliser ce travail dans le même esprit que ce qui a été fait par Jamel Shabazz dans les années 80 à New York : brut, honnête et plein d’espoir. Mon espoir pour ma photographie est qu’elle apporte joie et amour à mes sujets. J’aimerais aussi que mon travail soit un jour collectionné par des galeries pour la postérité. J’aimerais pouvoir dire que je suis venue, j’ai révélé et j’ai changé certaines perceptions.
GEAR UP
Quel appareil photo et quel équipement utilisez-vous le plus maintenant? Quel est votre objectif préféré? Parlez-nous de votre expérience avec les objectifs Tamron?
Karene-Isabelle:
J’utilise principalement mon Canon 5D Mark II. C’est un vieux modèle, mais un bon modèle. Je l’ai acheté il y a de nombreuses années et il est définitivement un travailleur acharné.
Bien que j’apprécie un objectif fixe, j’ai été époustouflée et suis tombée amoureuse de l’objectif zoom Tamron 70-120 mm.
Sa profondeur de champ est inégale. Il est net, rapide et léger à porter. La mise au point est aussi très fluide. Je n’avais jamais vraiment travaillé avec un objectif zoom de peur de perdre un peu de lumière, mais cet objectif a été un véritable changement pour moi et m’a fait reconsidérer ma position. Je ne suis pas une photographe technique et il a sûrement de nombreuses fonctionnalités pour plaire à d’autres utilisateurs, mais je sais simplement que j’adore prendre des photos avec cet objectif!
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